COLLET Gustave

Conflit/Conflict: 1914 - 1918
Statut/Statuut: Civil fusillé - Gefusilleerde burger
Naissance/Geboorte:
Décès/Overlijden: Namur (Namen), NA, BE 1914-08-24
Grade/Régiment - Graad/Regiment:
Plus d'infos/Meer info: Tué à l'âge de 56 ans (Source [174])
Photo/Foto: http://www.bel-memorial.org/photos_namur/namur/COLLET_Gustave_58842.htm
Monument/Gedenkteken: Monument aux victimes des deux guerres du quartier Saint-Nicolas, Commune/Gemeente: Namur (Namen)

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Témoignage manuscrit de sa fille Caroline (1886-1956)

Le 24 août, la journée se passe pour nous relativement calme.

Vers 9h du soir, nous nous décidons à passer la nuit tous ensemble dans une pièce du rez-de-chaussée. Un officier allemand accompagné d’un soldat se présente chez nous ; nous ne le comprenons pas, nous requérons à la hâte notre voisin pour servir d’interprète ; l’officier désirait visiter la maison, c’est ce qu’il fit, tenant de la main gauche mon père et de l’autre un revolver, ils commencèrent à visiter. Évidemment, ils ne trouvent pas d’armes, nous n’en avons d’ailleurs jamais eu. Notre locataire Mr Decool (?) faisait partie de la garde civique mais il avait déposé ses armes à l’Hôtel de Ville, dès que la garde civique avait été désarmée. La maison visitée, l’officier déclara vouloir loger chez nous avec 4 de ses soldats. Il avait vu les préparatifs que nous avions faits pour nous au rez-de-chaussée et il déclara que cela servirait pour eux. Il se retira ensuite en recommandant toutefois de laisser toutes les portes ouvertes afin de rentrer plus facilement entre onze [heure] et minuit.

C’est alors que nous nous décidons à passer la nuit dans une pièce du 1er étage, nous y faisons les préparatifs nécessaires puis nous nous retirons tous les sept dans la cuisine, nous proposant d’attendre les officiers avant de nous reposer. Depuis 10 minutes, 1/4 heure, nous entendons une pétarade dont le bruit augmentait de minute en minute.

Nous nous disposions donc à descendre à la cave pensant y être plus en sûreté quand une cinquantaine de soldats entre précipitamment et arrive directement à la cuisine, restée grande ouverte. Nous étions tous debout, ils nous font lever les bras, parlant et gesticulant d’un air farouche : « Vous tirez, nous vous [fusiller] » Tels sont les mots que nous pouvons comprendre, nous jurons tous que nous n’avons pas [tiré] ; ils ne veulent rien entendre. Notre pauvre père nous regarde tristement et nous dit : « Mes pauvres enfants, nous sommes à notre dernier moment. » Je récitai aussitôt l’acte de contrition, et nous fîmes tous le sacrifice de notre vie. Pendant ce temps, les soldats avides de sang et de rage brisent les volets, les fenêtres et lancent le feu dans la maison par les ouvertures ainsi pratiquées. Ils nous ont fait sortir les mains levées entre deux rangées de soldats. Quel spectacle, mon Dieu ! Il ne nous reste plus que la triste alternative de voir notre maison en feu et de nous croire au seuil de l’éternité. Ces soldats, ils sont bien au moins 500, nous regardent d’un air hargneux et nous font traverser la rue. Ils nous tiennent tous les sept collés au mur en nous montrant avec une ironie farouche notre maison en feu. L’officier qui commande nous dit alors en français « Vous tirez, nous vous [fusiller] ».

« Monsieur, dis-je alors à l’officier, remarquez que les fenêtres des étages sont fermées et les stores baissés, c’est par là que nous aurions dû tirer », inutile de vouloir discuter avec [illisible].

« Nous vous [fusiller] ensemble ». Telles sont leurs paroles, quand nous pensons que nous sommes innocents. Ils nous font traverser la rue J B Brabant. Notre père est à bout de forces et si nous ne l’avions soutenu, il serait certainement tombé ; le malheureux sanglote éperdument et nous regarde avec tristesse ; nous l’embrassons lui disant qu’il ne partira pas seul puisque l’on va nous fusiller tous ensemble. Mr et Mad Decool (?) se font leurs adieux à voix haute en pleurant ; Mr Larivière regarde sa jeune femme qui attend un bébé pour bientôt. Loin d’être émus d’un pareil spectacle ces hommes sans cœur rient de nous et l’un d’entre eux donne des coups de canon de fusil dans la poitrine de notre malheureux père. On amène Mr Hainaut (ou Hainant ?), son fils et leur locataire.

Au moment où nous arrivons sur le trottoir opposé, les allemands dispersent les hommes des femmes et ils alignent les hommes contre le mur à 3 ou 4 mètres de nous.

« Ne touchez pas mes filles », recommande notre pauvre père.

Au commandement d’un officier, des soldats, un pour chaque homme, se placent au bas du trottoir et tirent une fois, puis une 2de fois.

Ces malheureux innocents ne sont plus. Les bourreaux nous avaient obligés à regarder ce spectacle et ce n’était pas assez, ils nous forcent à repasser devant les cadavres étendus, inoubliable tableau. Ils étaient tous les uns sur les autres, notre malheureux père le premier, longeant le mur, les mains étendues en avant et la face contre terre. Nous nous mettons à genoux ma sœur et moi et l’embrassons une dernière fois. Mme Decool (?) se penche sur le corps de son mari et lui arrache son alliance, volée ensuite par les lâches, les assassins et ils donnent des coups à la malheureuse pour l’obliger à se lever. Les soldats nous poussent alors dans la rue Pepin en disant : « Les femmes sont libres ».

Nous courrons comme des folles, nous sonnons à plusieurs portes, on ne nous ouvre pas ; chez les dames de Ste Julienne on ne veut pas nous recevoir, à l’institut St Louis on consent à nous laisser passer la nuit. [À] entendre le tocsin sans discontinuer, à voir les lueurs d’incendie à travers le soupirail de la cave, nous nous demandons si tout cela n’est pas un cauchemar affreux. Hélas c’était bien la réalité, nous étions orphelines, sans abri, sans ressources.

Message posté le 2023-08-03 par Benoit COLLET, Namur, Belgique
Bericht geplaatst op 2023-08-03 door : Benoit COLLET, Namur, Belgique



 

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