SAUERWEIN Jeanne

Conflit/Conflict: 1940 - 1945
Statut/Statuut: Prisonnier politique mort en déportation - Politieke gevangene overleden in deportatie
Naissance/Geboorte: Wavre (Waver), BW, BE 1912-09-26
Décès/Overlijden: Ravensbrück, Brandenburg (Brandebourg - Brandenburg), DE 1945-04-25
Grade/Régiment - Graad/Regiment:
Plus d'infos/Meer info: Fille de Nicolas Jean Baptiste Barbe Charles Louis, dit Louis (employé, né à Marche-les-Dames, NA, BE) et de Céline Louise, dite Louise, EVERLING (sans profession, née à Neufchâteau, LU, BE). Prisonnière politique "Nacht und Nebel". Parcours concentrationnaire: 21 avril 1943: Gestapo Arlon, LU, BE; 21 avril 1943: Prison d'Arlon, LU, BE; 16 octobre 1943: Prison Saint-Léonard à Liège, LG, BE; 19 octobre 1943: Ravensbrück, Brandebourg, DE; 23 avril 1945: Baie de Lübeck, Schleswig-Holstein, DE; assassinée le 25 avril 1945. Dernière sépulture: Arlon (Aarlen), LU, BE, cimetière communal (Sources [358]; [517]; [773])

Biographie (Source [773]

La famille LAMBIN possède trois sortes de notes mises par écrit par Jeanne pendant sa déportation: des recettes de cuisine, un journal et une prière. Des pages véritablement calligraphiées sur des feuilles lignées détachées d'un "carnet". Fin février 1944, elle dit entamer le second. D'où viennent ces carnets? Comment les a-t-elle emportés? cachés? Qui a rassemblé les pages dans le petit sac en toile de jute remis, après la guerre, à Edgard LAMBIN. Comment se sac est-il parvenu dans la famille? Qu'en a dit la "messagère"? Edgard LAMBIN en a-t-il parlé? Comment.

Jeanne SAUERWEIN naît en 1912. Sa maman, Louise EVERLING, a épousé Louis SAUERWEIN, un agent du Trésor. Nous savons peu de choses sur Jeanne enfant. Sa famille la décrit comme une jeune femme à la fois gaie, exubérante et engagée. Secrétaire de la Croix-Rouge d'Arlon, Jeanne comprend le rôle qu'elle peut jouer dans la vie quotidienne d'un pays occupé: assistance médicale aux civils et aux militaires blessés, recherche des disparus, identification des morts, correspondance et envoi de colis aux prisonniers de guerre... Membre actif du Service de Renseignement et d'Action, elle est arrêtée par la Gestapo le 21 avril 1943 et déportée au camp de Ravensbrück, Brandebourg, DE.

Jeanne est arrêtée pour faits de Résistance, elle a presque 31 ans; elle est incarcérée à la prison d'Arlon, LU, BE puis à celle de Saint-Léonars à Liège, LG, BE. Elle est classée NN, Nacht und Nebel. Elle devrait être jugée et condamnée à disparaître dans la Nuit et le Brouillard. Le procès n'aura pas lieu, comme pour beaucoup de NN. Après six mois d'incarcération, elle entre au camp de Ravensbrück, Brandebourg, DE; nous sommes le 19 octobre 1943.

Ouvrir les pages de son journal est déstabilisant, dès la première lettre. Son récit ne ressemble à aucun autre témoignage de déportées. La première lettre est datée du 9 décembre 1944; 20 mois de déportation déjà. Jeanne sent ses forces l'abandonner; l'hiver est froid à Ravensbrück. Elle entre dans la désespérance. Dans ces lettres, Jeanne occulte le quotidien d'un camp nazi, la structure administrative, la discipline, les brutalités, la violence, la déshumanisation omniprésente. Comble-t-elle le vide de la séparation d'avec son fiancé en s'évadant dans le rêve d'un avenir à deux? Elle lui écrit. Elle lui offre tout ce qui lui reste d'espace de liberté; elle consacre leur amour. Ou bien, veut-elle éviter d'inquiéter son ami en lui parlant des horreurs du système concentrationnaire nazi? Ou bien encore, l'évasion par l'écriture lui permet-elle de supporter le système concentrationnaire, de reprendre courage, de donner un sens à cette épreuve, de tenir?

La première lettre date du 9 décembre 1944, la dernière du 14 avril 1945. Mais elles ne se suivent pas toutes régulièrement. Elles sont espacées parfois de 2 jours, de 8 jours, de 10, de 12 jours, au plus. La plupart sont correctement datées. Mais Jeanne décroche à plusieurs reprises pendant le mois de mars 1945; elle se rattrape au jour de Pâques, le 1er avril 1945. Ensuite, par deux fois, elle reste une semaine sans écrire. Elle s'en réfère au calendrier liturgique: la Noël, l'Épiphanie, la Chandeleur, les Rameaux, mercredi des Cendres, Pâques. Calendrier qui lui permettra de remettre de l'ordre dans la datation. Jeanne date la dernière lettre du lundi 14 avril 1945. Elle voit arriver les bus blancs de la Croix-Rouge. Mais ce devrait être le lundi 22 avril, date connue d'un des convois libérateurs vers la Suède.

Arrêtée en avril 1943, elle lance un appel à l'aide au moment où elle tombe au plus profond de sa détresse. Elle a encore la force de se reprendre. Elle choisit de se dégager du quotidien par le rêve, et d'entrer dans le temps de demain. Celui d'une vie d'amour avec Edgard LAMBIN. Elle n'est plus qu'aimante, épouse et mère. Elle lui écrit. Elle ne dit rien de son engagement de résistante; rien de l'organisation du camp; rien sur l'idéologie nazie; rien sur la déshumanisation. Mais elle dépose des indices. En fait, en octobre 1943, Jeanne est déportée au camp de Ravensbrück, dans le Brandebourg, au nord de Berlin: le seul camp de concentration sur le territoire allemand destiné à la détention préventive des femmes, durant le IIIe Reich. Non loin de la mer Baltique, il y fait très froid. Dès la première lettre, Jeanne se situe dans l'enfer de Ravensbrück. Ce ne sera plus jamais cité. Plus tard, elle localise le camp par rapport à la ville voisine de Fürstenberg. Elle emploie 13 fois le terme camp et une fois camp de concentration, où elle passe successivement dans trois blocks différents. Du premier block, numéro 5, elle parle des Juives et d'une Allemande. Et elle qualifie le reste des prisonnières de "ménagerie". Le second est le bloc belge où, officiant comme "femme de ménage", elle peut rester 4 jours à l'intérieur. Et elle finira sa déportation au bloc des Tchèques qu'elle qualifie de TB.

Elle travaillera longtemps à l'usine Siemens, 10h/jour, dans un service de fabrication d'horloges. Elle échappe au transport de NN vers Mauthausen, début mars mais fera partie de l'évacuation du 23 avril vers Malmö. Le camp est vite surpeuplé. Les baraques comptent jusqu'à 1.500 prisonnières. La main d'œuvre déportée de tous les pays occupés est de plus en plus abondante; les prisonnières sont réparties dans les usines limitrophes, devenues usines de guerre. Jeanne côtoie des résistantes prisonnières politiques, des otages, des asociales, des indignes, des Juives et des Tziganes. De tous les tempéraments.

Datée du 21 avril 1945, la Prière de Jeanne est une prière de remerciements. Cette dernière page d'écriture, après les Recettes et après son Journal, révèle une Jeanne apaisée par la mort qu'elle sent prochaine. Une Jeanne en pleine maturité de ses 33 ans. Une foi naissante l'a saisie comme un brasier. Une foi exaltée, qui monte vers Dieu, Invisible, Protecteur et Père; une foi qui a transcendé ses faiblesses, sa détresse. Sa foi est un cadeau. La Prière a donc tout son sens. Elle rejoint les pages de Péguy. Merci, de quoi? De la région belle et romantique où se trouve le camp. De l'amitié reçue d'une compagne sensible et attentionnée. D'un fiancé, chrétien, courageux et aimant. D'une maman forte et proche malgré les distances de temps et d'espace.

Une lettre d'adieu. Jeanne sent la mort approcher. Mon Dieu, écrit-elle, je vais m'endormir en vous rendant grâce encore une fois, car les étoiles brillent au ciel et me disent votre présence. Sans doute, son camion a-t-il déjà été bombardé? Et elle se sait gravement blessée. La Prière est datée du 21 avril 1945; ce qui pourrait poser question. Mais nous savons qu'à partir du mois de mars, certaines dates du Journal de Jeanne sont manquantes ou erronées. Les derniers mois du camp de Ravensbrück furent marqués par la surpopulation, le manque de nourriture, les épidémies, les exécutions... Jeanne n'a pas échappé à ce processus exterminatoire. Elle s'affaiblit de jour en jour.

Elle aurait pu être sauvée par la Croix-Rouge internationale qui, à la suite d'un accord avec Himmler, a libéré des centaines de prisonnières en les emmenant en Suède, à Malmö, avant de les rapatrier. Jeanne faisait partie du convoi des 23 et 24 avril. Mais l'histoire nous dira que certains camions furent bombardés par des avions alliés, le 25 avril 1945. C'est dans un de ces camions mitraillés que Jeanne SAUERWEIN, secrétaire de la Croix-Rouge d'Arlon, est mortellement blessée.

Pour une autre biographie, voir la page consacrée à ses photos.

Photo/Foto: http://www.bel-memorial.org/photos_luxembourg/arlon/SAUERWEIN_Jeanne_42953.htm
Monument/Gedenkteken: Plaques aux morts des deux guerres sur la place Léopold et sépultures privées dans le cimetière, Commune/Gemeente: Arlon (Aarlen)

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