Gabriel TACCOEN
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Begrafenisrede uitgesproken bij het tijdelijke graf van Gabriël TACCOEN op de begraafplaats Saint-Gilles in Étampes, Essonne, FR
L'émotion qu'avait produite a Étampes la mort du soldat belge
Narcisse SARTIEAUX était à peine calmée, qu'on a appris avec douleur
lundi soir dans notre ville qu'un terrible accident d'aviation avait
fait à Villesauvage deux nouvelles victimes.
Vers 5h.30', le pilote Gabriel TACCOEN, caporal dans l'armée belge,
effectuant un vol en biplan au-dessus de l'ancien aérodrome Blériot
avec un passager, le caporal KOZYNS, se préparait à atterrir
derrière le restaurant Barrillier, lorsqu'arrivé près du sol il
remit son moteur en marche, sans doute pour choisir un endroit plus
propice. Malheureusement, l'appareil capota et les deux aviateurs
furent précipités en avant. TACCOEN, qui tomba la tête la première,
fut tué presque sur le coup; KOZYNS en fut quitte pour des fractures
et des contusions qui ne mettent heureusement pas sa vie en danger.
Très affecté par ce nouveau deuil pour nos amis Belges, la
population d'Étampes a tenu à venir jeudi matin suivre en foule le
convoi d'un de ses hôtes les plus distingués et les plus
sympathiques.
Nos deux sociétés des Anciens combattants et des vétérans, drapeaux
déployés, marchaient en tête du cortège, ainsi que des soldats
belges portant de superbes couronnes offertes par le centre
d'aviation belge, l'école Farman et la municipalité. Le cercueil
lui-même disparaissait d'ailleurs sous les couronnes et les fleurs
que des mains amies avaient apportées à profusion. Les parents, M.
et Mme TACCOEN, suivaient le char funèbre escorté d'un piquet de
soldats belges et de réservistes territoriaux français; puis
venaient en groupe les représentants de l'école d'aviation militaire
belge, parmi lesquels M. le commandant TOURNAI, le capitaine NÉLIS,
le lieutenant prince de Ligne, les officiers aviateurs; le premier
sergent-major·VAN DEN BORN, directeur de l'école militaire belge
d'Étampes et les pilotes de l'école; les aviateurs militaires
français et italiens ainsi que l'école civile représentée par MM.
Ferdinand D'OR, LE PEINTRE et leurs élèves. MM. DARRAS, sous-préfet
d'Étampes; LESCUYER, faisant fonctions de maire; Capitaine MOREAU,
commandant des G. V. C.; MAROT, président du Tribunal; RONDELET,
procureur de la République; les membres du Conseil municipal et les
fonctionnaires suivaient, ainsi qu'une foule compacte de nos
concitoyens.
Après le service religieux à Notre-Dame, l'inhumation a eu lieu dans
le caveau provisoire du cimetière Saint-Gilles. Sur la tombe, M. le
commandant TOURNAI prononçait l'éloge du brillant ingénieur, de
l'excellent pilote et du courageux soldat qu'était Gabriel TACCOEN:
"S'il n'est pas mort sur le champ de bataille, a-t-il dit, il est
mort au champ d'honneur, car le champ d'honneur est partout où il y
a un devoir à accomplir. Gabriel TACCOEN a fait tout son devoir, il
est mort en brave, sa patrie peut être fière de lui."
Puis au nom de l'école, l'aviateur militaire Francy LACROIX a
prononcé le discours suivant, qui a fait revivre d'une façon
parfaite, la personnalité de Gabriel TACCOEN:
"À peine la douloureuse impression du dernier accident
commençait-elle à se dissiper que nous voici de nouveau réunis par
la souffrance et la compassion autour d'une tombe béante où va
dormir son dernier sommeil celui dont nous pleurons la mort, auquel
nous venons rendre les honneurs: notre camarade et ami, Gabriel
TACCOEN. À ce nom brusquement s'évoque sa silhouette blonde et
calme, sa démarche abandonnée, son visage impassible, son front
sérieux, ses yeux rêveurs. Et, sous ces apparences passives, seuls
les rares amis auxquels il dévoila un coin de son âme ont pu deviner
tout ce que cachait cette silhouette, cette démarche, ce visage; ce
qui se passait derrière ce front, ce que voyaient ces yeux!
Ingénieur civil sorti brillamment de l'Université de Louvain, tenté
par toute recherche ardue et toute innovation scientifique, Gabriel
TACCOEN prit, en amateur, en juin 1912, son brevet d'aviateur sur
monoplan Déperdussin. Toujours hanté du besoin de se perfectionner
et de savoir, il se spécialisa dans une université américaine. Nous
le retrouvons ensuite ingénieur à la Bethléem Steel Corporation, et,
à son retour en Europe, attaché au bureau technique des usines
Sobrou-Brillé. La mécanique n'avait pas de secret pour lui. Sa
connaissance en était complète, et souvent il y ajoutait ses propres
créations toujours empreintes d'une rare logique.
Sous des dehors très simples mais d'une civilité parfaite, dans sa
franchise et sa droiture d'âme, ennemi du faste et du vide, il
possédait une intelligence d'une supériorité telle qu'il savait
négliger l'opinion des autres. Son caractère trempé ne subissait
aucune influence tant il était personnel. Il aimait vivre dans le
calme où germent les idées, loin des luttes d'orgueil et de vanité,
rêvant de ses recherches dans une atmosphère tranquille. Tout de
droiture, de douceur et de bonté, jamais il ne blessait personne et
ne comptait point d'ennemi. Sa fortune personnelle et sa vie lui
permettaient de travailler toujours en idéaliste.
Le rappelant à la réalité, la guerre le surprit à Bruxelles, plongé
dans les recherches et les études qui étaient sa vie. Il fit alors
ce que tout cœur belge vraiment digne de ce nom devait faire. Il
s'engagea dans notre armée pour venger la violation de la Belgique
par l'Allemagne. Et c'est ainsi que nous avons eu l'occasion de
vivre quelques mois avec lui, dans cette ville, de saisir sa
modestie unique, qu'égalait seule sa valeur, de chercher à
comprendre sa personnalité. Comme aviateur, il était excellent
pilote, nous pouvons le dire hautement; l'un des meilleurs de notre
école. Il trouvait dans l'aviation non seulement une matière
nouvelle pour ses goûts sérieux, mais aussi le délassement de son
âme d'artiste. Son passager le voyait chercher et admirer en
dilettante les paysages et les sites pittoresques. Impassible devant
ses succès, toujours calme, et pour ainsi dire détaché de tout,
possédant le sang-froid nécessaire, prêt à partir au front pour
payer son tribut à la patrie blessée, il était le plus prudent et le
plus sage d'entre nous. Et c'est lui que nous ravit un accident
inexplicable dont il .emporte le secret dans sa tombe! Il est mort
dans un rêve comme il avait vécu: C'est dans l'émotion du charme
aérien fascinateur que son cœur a cessé de battre; c'est sur une
dernière vision céleste que ses yeux se sont fermés, il s'est éteint
sans souffrance et sans horreur, conservant sur son visage la même
expression énigmatique figée par la mort.
Chaque fois qu'en un tragique dénouement, l'Aile se brise, nous nous
sentons pris de lassitude et de découragement. Mais cette
défaillance n'est que passagère, car, comme toi avant nous, et comme
d'autres après nous, peut-être! nous suivrons le chemin que ta tombe
aujourd'hui jalonne: En y gardant ta place, nous vengerons ta mort!
Pauvre ami! Rien ne troublera plus la solitude goûtée dans les cieux
qu'à présent tu habites. Ton corps en est tombé, ton âme y restera!
Pauvres parents surtout. Du moins, Dieu vous accorde le douloureux
bonheur d'avoir revu votre enfant et de l'accompagner à sa dernière
demeure. Heureusement votre foi transforme un soir tragique en aube
éternelle et décisive. Au nom de tous les aviateurs Belges, je vous
présente nos condoléances émues. Puisse cette sympathie qui vous
environne, cette foule qui prie, ces larmes dans les yeux, ces
couronnes, ces gerbes, ces drapeaux, vous montrer quelle place votre
fils tenait parmi nous et consoler un peu votre première douleur.
Souvenez-vous que s'il est mort, il est mort en portant l'uniforme,
et que dorénavant le noir de notre drapeau portera toujours un peu
son deuil.
Et toi, pauvre ami que nous ne reverrons plus, adieu! Peut-être ta
modestie eût-elle préféré des funérailles plus simples, mais c'est
l'amour et le respect qui font germer ces fleurs. Peut-être ton cœur
trop modeste eût-il désiré qu'on ne dévoilât pas ta haute
intelligence, ton caractère d'élite aimant l'étude et le travail
pour sa propre beauté; mais il était impossible de laisser une ombre
à ta mémoire. Adieu! Soldat, vivant ou mort, tu ne voulais pas
rentrer dans les ruines de ta malheureuse et noble patrie avant leur
purification. La Belgique s'est sacrifiée à l'Honneur, à la France,
et tu n'y rentreras pour ton dernier repos que quand nos efforts,
l'honneur et la France vous l'auront rendue!
Gabriel TACCOEN, adieu!"
Au nom de la municipalité d'Étampes, M. RICHOU, conseiller
municipal, s'est exprimé en ces termes:
"Mesdames, Messieurs,
Je viens, au nom du Conseil municipal, prendre ici la parole, et, me
penchant sur cette tombe prématurément ouverte, dire un suprême
adieu à Gabriel TACCOEN.
D'autres vous ont dit mieux que moi, quels étaient ses mérites, ses
qualités professionnelles d'ingénieur mécanicien, mais je sais qu'il
trouva la mort au moment où en possession de son brevet de pilote, à
la veille de partir au front, il allait prendre sa part du combat,
afin de venger sa noble patrie souillée et meurtrie par les hordes
allemandes, et je lui apporte comme à tous ces héros qui tombent,
l'hommage de notre admiration et de notre indéfectible
reconnaissance.
Les hommes de ma génération ont tous gardé au cœur une blessure
jamais cicatrisée, et c'est avec une indicible émotion, en
dissimulant leurs larmes, qu'ils saluent ces vaillants que la mort
fauche à grands coups. Tandis que nous traînions lamentablement la
défaite dans nos caissons, vous, jeunes hommes! qui combattez si
ardemment et opposez le rempart de vos poitrines aux flots
envahissants de la barbarie teutonne, je vous envie, car vous aurez
la joie, en rapportant vos drapeaux triomphants, d'attacher la
victoire à vos pas! Sans doute, il nous tarde d'entendre sonner
l'heure libératrice; mais sachons réfréner nos impatiences! Déjà
l'horizon si sombre s'est éclairci et l'on peut entrevoir l'instant
où les nations victorieuses, attachées à la défense du droit et de
la justice, verront s'évanouir le hideux cauchemar qui les oppresse
et reprendront bientôt dans une joyeuse allégresse le chemin de la
Liberté! C'est un honneur, dont je sens tout le prix, en m'adressant
au nom de la municipalité aux représentants de la Belgique réunis
autour de cette tombe, de leur assurer que les malheurs qui ont
assailli leur pays ont scellé entre nous une indestructible
fraternité.
TACCOEN, tu meurs en combattant et si ton destin n'a pas permis que
tu assistes à l'apothéose, ton souvenir n'en restera pas moins
vivant parmi tes frères et tes amis, et je t'adresse, au nom de la
ville d'Étampes, un éternel adieu!"
Le corps d'aviation belge remercie profondément toutes les personnes
qui ont pris part à la cérémonie des obsèques de Gabriel TACCOEN ou
qui ont donné des témoignages d'affection et de sympathie à leur ami
et camarade disparu.
Merci de tout cœur aux autorités civiles et militaires qui ont prêté
leur généreux concours.”
Bron : Site "Le
Corpus Étampois"