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Gabriel TACCOEN

 










Geboorteakte (Bron [358]) (De beelden downloaden voor vergroting)
 

Begrafenisrede uitgesproken bij het tijdelijke graf van Gabriël TACCOEN op de begraafplaats Saint-Gilles in Étampes, Essonne, FR

L'émotion qu'avait produite a Étampes la mort du soldat belge Narcisse SARTIEAUX était à peine calmée, qu'on a appris avec douleur lundi soir dans notre ville qu'un terrible accident d'aviation avait fait à Villesauvage deux nouvelles victimes.

Vers 5h.30', le pilote Gabriel TACCOEN, caporal dans l'armée belge, effectuant un vol en biplan au-dessus de l'ancien aérodrome Blériot avec un passager, le caporal KOZYNS, se préparait à atterrir derrière le restaurant Barrillier, lorsqu'arrivé près du sol il remit son moteur en marche, sans doute pour choisir un endroit plus propice. Malheureusement, l'appareil capota et les deux aviateurs furent précipités en avant. TACCOEN, qui tomba la tête la première, fut tué presque sur le coup; KOZYNS en fut quitte pour des fractures et des contusions qui ne mettent heureusement pas sa vie en danger.

Très affecté par ce nouveau deuil pour nos amis Belges, la population d'Étampes a tenu à venir jeudi matin suivre en foule le convoi d'un de ses hôtes les plus distingués et les plus sympathiques.

Nos deux sociétés des Anciens combattants et des vétérans, drapeaux déployés, marchaient en tête du cortège, ainsi que des soldats belges portant de superbes couronnes offertes par le centre d'aviation belge, l'école Farman et la municipalité. Le cercueil lui-même disparaissait d'ailleurs sous les couronnes et les fleurs que des mains amies avaient apportées à profusion. Les parents, M. et Mme TACCOEN, suivaient le char funèbre escorté d'un piquet de soldats belges et de réservistes territoriaux français; puis venaient en groupe les représentants de l'école d'aviation militaire belge, parmi lesquels M. le commandant TOURNAI, le capitaine NÉLIS, le lieutenant prince de Ligne, les officiers aviateurs; le premier sergent-major·VAN DEN BORN, directeur de l'école militaire belge d'Étampes et les pilotes de l'école; les aviateurs militaires français et italiens ainsi que l'école civile représentée par MM. Ferdinand D'OR, LE PEINTRE et leurs élèves. MM. DARRAS, sous-préfet d'Étampes; LESCUYER, faisant fonctions de maire; Capitaine MOREAU, commandant des G. V. C.; MAROT, président du Tribunal; RONDELET, procureur de la République; les membres du Conseil municipal et les fonctionnaires suivaient, ainsi qu'une foule compacte de nos concitoyens.

Après le service religieux à Notre-Dame, l'inhumation a eu lieu dans le caveau provisoire du cimetière Saint-Gilles. Sur la tombe, M. le commandant TOURNAI prononçait l'éloge du brillant ingénieur, de l'excellent pilote et du courageux soldat qu'était Gabriel TACCOEN:

"S'il n'est pas mort sur le champ de bataille, a-t-il dit, il est mort au champ d'honneur, car le champ d'honneur est partout où il y a un devoir à accomplir. Gabriel TACCOEN a fait tout son devoir, il est mort en brave, sa patrie peut être fière de lui."

Puis au nom de l'école, l'aviateur militaire Francy LACROIX a prononcé le discours suivant, qui a fait revivre d'une façon parfaite, la personnalité de Gabriel TACCOEN:

"À peine la douloureuse impression du dernier accident commençait-elle à se dissiper que nous voici de nouveau réunis par la souffrance et la compassion autour d'une tombe béante où va dormir son dernier sommeil celui dont nous pleurons la mort, auquel nous venons rendre les honneurs: notre camarade et ami, Gabriel TACCOEN. À ce nom brusquement s'évoque sa silhouette blonde et calme, sa démarche abandonnée, son visage impassible, son front sérieux, ses yeux rêveurs. Et, sous ces apparences passives, seuls les rares amis auxquels il dévoila un coin de son âme ont pu deviner tout ce que cachait cette silhouette, cette démarche, ce visage; ce qui se passait derrière ce front, ce que voyaient ces yeux! Ingénieur civil sorti brillamment de l'Université de Louvain, tenté par toute recherche ardue et toute innovation scientifique, Gabriel TACCOEN prit, en amateur, en juin 1912, son brevet d'aviateur sur monoplan Déperdussin. Toujours hanté du besoin de se perfectionner et de savoir, il se spécialisa dans une université américaine. Nous le retrouvons ensuite ingénieur à la Bethléem Steel Corporation, et, à son retour en Europe, attaché au bureau technique des usines Sobrou-Brillé. La mécanique n'avait pas de secret pour lui. Sa connaissance en était complète, et souvent il y ajoutait ses propres créations toujours empreintes d'une rare logique.

Sous des dehors très simples mais d'une civilité parfaite, dans sa franchise et sa droiture d'âme, ennemi du faste et du vide, il possédait une intelligence d'une supériorité telle qu'il savait négliger l'opinion des autres. Son caractère trempé ne subissait aucune influence tant il était personnel. Il aimait vivre dans le calme où germent les idées, loin des luttes d'orgueil et de vanité, rêvant de ses recherches dans une atmosphère tranquille. Tout de droiture, de douceur et de bonté, jamais il ne blessait personne et ne comptait point d'ennemi. Sa fortune personnelle et sa vie lui permettaient de travailler toujours en idéaliste.

Le rappelant à la réalité, la guerre le surprit à Bruxelles, plongé dans les recherches et les études qui étaient sa vie. Il fit alors ce que tout cœur belge vraiment digne de ce nom devait faire. Il s'engagea dans notre armée pour venger la violation de la Belgique par l'Allemagne. Et c'est ainsi que nous avons eu l'occasion de vivre quelques mois avec lui, dans cette ville, de saisir sa modestie unique, qu'égalait seule sa valeur, de chercher à comprendre sa personnalité. Comme aviateur, il était excellent pilote, nous pouvons le dire hautement; l'un des meilleurs de notre école. Il trouvait dans l'aviation non seulement une matière nouvelle pour ses goûts sérieux, mais aussi le délassement de son âme d'artiste. Son passager le voyait chercher et admirer en dilettante les paysages et les sites pittoresques. Impassible devant ses succès, toujours calme, et pour ainsi dire détaché de tout, possédant le sang-froid nécessaire, prêt à partir au front pour payer son tribut à la patrie blessée, il était le plus prudent et le plus sage d'entre nous. Et c'est lui que nous ravit un accident inexplicable dont il .emporte le secret dans sa tombe! Il est mort dans un rêve comme il avait vécu: C'est dans l'émotion du charme aérien fascinateur que son cœur a cessé de battre; c'est sur une dernière vision céleste que ses yeux se sont fermés, il s'est éteint sans souffrance et sans horreur, conservant sur son visage la même expression énigmatique figée par la mort.

Chaque fois qu'en un tragique dénouement, l'Aile se brise, nous nous sentons pris de lassitude et de découragement. Mais cette défaillance n'est que passagère, car, comme toi avant nous, et comme d'autres après nous, peut-être! nous suivrons le chemin que ta tombe aujourd'hui jalonne: En y gardant ta place, nous vengerons ta mort!
Pauvre ami! Rien ne troublera plus la solitude goûtée dans les cieux qu'à présent tu habites. Ton corps en est tombé, ton âme y restera!

Pauvres parents surtout. Du moins, Dieu vous accorde le douloureux bonheur d'avoir revu votre enfant et de l'accompagner à sa dernière demeure. Heureusement votre foi transforme un soir tragique en aube éternelle et décisive. Au nom de tous les aviateurs Belges, je vous présente nos condoléances émues. Puisse cette sympathie qui vous environne, cette foule qui prie, ces larmes dans les yeux, ces couronnes, ces gerbes, ces drapeaux, vous montrer quelle place votre fils tenait parmi nous et consoler un peu votre première douleur. Souvenez-vous que s'il est mort, il est mort en portant l'uniforme, et que dorénavant le noir de notre drapeau portera toujours un peu son deuil.

Et toi, pauvre ami que nous ne reverrons plus, adieu! Peut-être ta modestie eût-elle préféré des funérailles plus simples, mais c'est l'amour et le respect qui font germer ces fleurs. Peut-être ton cœur trop modeste eût-il désiré qu'on ne dévoilât pas ta haute intelligence, ton caractère d'élite aimant l'étude et le travail pour sa propre beauté; mais il était impossible de laisser une ombre à ta mémoire. Adieu! Soldat, vivant ou mort, tu ne voulais pas rentrer dans les ruines de ta malheureuse et noble patrie avant leur purification. La Belgique s'est sacrifiée à l'Honneur, à la France, et tu n'y rentreras pour ton dernier repos que quand nos efforts, l'honneur et la France vous l'auront rendue!
Gabriel TACCOEN, adieu!"

Au nom de la municipalité d'Étampes, M. RICHOU, conseiller municipal, s'est exprimé en ces termes:

"Mesdames, Messieurs,

Je viens, au nom du Conseil municipal, prendre ici la parole, et, me penchant sur cette tombe prématurément ouverte, dire un suprême adieu à Gabriel TACCOEN.

D'autres vous ont dit mieux que moi, quels étaient ses mérites, ses qualités professionnelles d'ingénieur mécanicien, mais je sais qu'il trouva la mort au moment où en possession de son brevet de pilote, à la veille de partir au front, il allait prendre sa part du combat, afin de venger sa noble patrie souillée et meurtrie par les hordes allemandes, et je lui apporte comme à tous ces héros qui tombent, l'hommage de notre admiration et de notre indéfectible reconnaissance.

Les hommes de ma génération ont tous gardé au cœur une blessure jamais cicatrisée, et c'est avec une indicible émotion, en dissimulant leurs larmes, qu'ils saluent ces vaillants que la mort fauche à grands coups. Tandis que nous traînions lamentablement la défaite dans nos caissons, vous, jeunes hommes! qui combattez si ardemment et opposez le rempart de vos poitrines aux flots envahissants de la barbarie teutonne, je vous envie, car vous aurez la joie, en rapportant vos drapeaux triomphants, d'attacher la victoire à vos pas! Sans doute, il nous tarde d'entendre sonner l'heure libératrice; mais sachons réfréner nos impatiences! Déjà l'horizon si sombre s'est éclairci et l'on peut entrevoir l'instant où les nations victorieuses, attachées à la défense du droit et de la justice, verront s'évanouir le hideux cauchemar qui les oppresse et reprendront bientôt dans une joyeuse allégresse le chemin de la Liberté! C'est un honneur, dont je sens tout le prix, en m'adressant au nom de la municipalité aux représentants de la Belgique réunis autour de cette tombe, de leur assurer que les malheurs qui ont assailli leur pays ont scellé entre nous une indestructible fraternité.

TACCOEN, tu meurs en combattant et si ton destin n'a pas permis que tu assistes à l'apothéose, ton souvenir n'en restera pas moins vivant parmi tes frères et tes amis, et je t'adresse, au nom de la ville d'Étampes, un éternel adieu!"

Le corps d'aviation belge remercie profondément toutes les personnes qui ont pris part à la cérémonie des obsèques de Gabriel TACCOEN ou qui ont donné des témoignages d'affection et de sympathie à leur ami et camarade disparu.

Merci de tout cœur aux autorités civiles et militaires qui ont prêté leur généreux concours.”

Bron : Site "Le Corpus Étampois"