Georges KUGÉ
Source [183]
Médaille en bronze (1932), 20ème anniversaire du Grand Prix Georges
KUGÉ (Source [273])
Site "Le
cyclisme: régional, national et international"
Lessines, HT, BE, ancien cimetière, Chemin d'Ath (Source [183])
Source [202] (novembre 2019)
Biographie de Georges KUGÉ (tirée de "L'Héroïsme des Jeunes", de Marcel ANCIAUX)
Pour bâtir un pays, il faut plus que des bras et des intelligences;
il faut des cœurs. C'est pour ne pas avoir compris cette élémentaire
vérité que l'Allemagne succombera éternellement sous le mépris et le
dégoût des nations civilisées; cette vérité explique aussi la
supériorité éclatante de l'âme belge sur l'âme prussienne.
Mme KUGÉ, née Justine HANTON, avait épousé un Rhénan
d'Aix-la-Chapelle; mais du sang belge nourrissait son âme qui la
garda pure. Si des
principes juridiques la rattachaient à la nation allemande, des
liens plus solides l'unissaient à sa terre natale. De cette union
naquit un fils, Georges, qui eut l'âme de sa mère. Bercé dans le
parfum des fleurs et le chant de la nature de chez nous, fortifié
par les tendresses et les conseils d'une femme au grand cœur, il fut
immunisé contre l'intoxication germaine. Les primes années ont
presque toujours, dans l'a formation d'un cœur, une influence si
forte qu'on s'étonne bien souvent de voir cet enfant plus tard sans
résistance au courant de ses idées et de ses sentiments, malgré la
somme, formidable parfois, d'énergie mise en activité. L'influence
d'une éducation affectueuse et saine fut sur Georges KUGÉ forte et
décisive... Écolier parfait, remarquable par son esprit de travail,
il conquit à la fin de son école primaire, qu'il achevait à quatorze
ans, le prix d'honneur.
Bon étudiant, il fut excellent artisan. Sous la direction de son
père, il apprit l'horlogerie, et pour perfectionner sa technique,
Georges KUGÉ s'embaucha à Bruxelles; deux ans plus tard, pour
acquérir la maîtrise de son art, il "s'exilait" en Allemagne.
À l'âge de vingt et un ans, il opta pour la Belgique, et servit au 9ème
régiment de ligne, en fils dévoué et modèle; ses chefs témoignèrent
plus d'une fois de son zèle et de sa soumission. Le service
militaire achevé, il retourna en Allemagne; mais son père tombé
malade, le fils revint au foyer qu'il ne quitta plus.
Quand le cri rauque de la guerre hurla sur la Belgique, Georges
était horloger à Bruxelles. Bon serviteur de son pays d'adoption,
l'enfant rejoignit sa classe rappelée sous les drapeaux... Ici
commence l'épopée... Comme du métal au feu, les âpres et glorieux
combats de Liège forgèrent le cœur du jeune homme. Blessé, le
baptême du sang purifiait son âme d'une tache originelle et
vivifiait son énergie que des souffrances corporelles pouvaient
annihiler. Après Liège, ce fut Aerschot qui vit une lutte
gigantesque où le jeune Belge épuisa ses ressources physiques. On le
réforma.
De Lessines, où il se rétablit, il gagna Bruxelles; et c'est là que
par l'intermédiaire d'un gendarme, Victor REMY, il entra en contact
avec un service d'espionnage et de recrutement et qu'il devint un
des plus fidèles complices de l'abbé DE LONGUEVILLE, un ardent
patriote qui montra aux Allemands de quelle valeur était l'âme
belge. Vers septembre 1915, Georges KUGÉ décida de drainer plus
spécialement tous les renseignements utiles dans la province du
Hainaut, et en avril 1916, le gendarme MUS, chef de bande, arrêté,
il prit la direction complète du service. Aidé par une connaissance
approfondie de la langue allemande, un aspect sympathique et un
abord avenant, Georges KUGÉ se mêlait facilement aux groupes de
soldats et à Thuin, dit-on, il poussa l'audace jusqu'à vendre aux
officiers prussiens, dans un hôtel allemand, des cigares et des
cigarettes portant l'effigie du kaiser.
Déguisé en ouvrier, en soldat allemand, en femme suivant les
circonstances, il espionna l'armée allemande vingt-deux mois durant.
De plus, il avait organisé des postes de surveillance aux gares de
Luxembourg, de Schaerbeek, de Laeken, de Bruxelles-Midi. Service
puissant, dont les tentacules s'étendaient dans les zones de
Charleroi, Thuin, Mons, Marchiennes, Philippeville, Chimay, Tournai,
Blandain, Péruwelz, Louvain, Aerschot, Malines. Ceux-là qui ne
vécurent pas les heures tragiques et l'occupation ou qui ne
connurent pas les émotions de ces âpres servitudes, ignorent de
combien d'énergie, de souffrances et d'héroïsme était forgée
l'activité de ces héros !
Le 14 octobre 1916, Georges KUGÉ était arrêté, et huit mois durant,
les limiers prussiens harcelèrent le corps et l'esprit du jeune
héros. Rien n'ébranla cette, volonté d'airain ! Cœur de soldat, il
fut invincible dans la lutte, et cependant que ne souffrit-il pas ?
"Mon cas s'aggrave, écrivait-il, étant fils d'Allemand, ayant en
soldat servi sa patrie, et en plus, porteur de papiers
compromettants. Je ne sais ce qui m'attend et, si je n'avais mes
parents, je mourrais content; n'ai-je pas déjà-assez souffert ?... "
Le procès infâme qui se déroula, dans l'hémicycle du Sénat, à
Bruxelles, les 12, 13 et 14 juin, eut son tragique épilogue le 18
juin quand le conseil de guerre, faisant droit aux conclusions de
l'auditeur militaire Stoeber, de sinistre mémoire, condamnait
Georges KUGÉ à la peine de mort.
Ceux-là qui assistèrent à ces débuts poignants ont noté la vaillance
de ce jeune Belge, qui ne trembla pas devant ses juges et qui, loin
de se dérober derrière des explications fallacieuses qui eussent pu
mettre en péril la liberté ou la vie de ses compagnons de combat,
prit généreusement la responsabilité de ses actes et ne dénonça
personne.
Au soir de la dernière audience, il écrivait à ses proches une
lettre émouvante dont j'extrais quelques lignes qui montrent qu'il
connaissait la situation et que l'issue était fatale.
"Je n'espère plus du tout. Dans quelques jours, tout sera fini. Je
suis triste et cela me fend le cœur quand je pense à mes pauvres
parents et à mon cher frère Henri. Je serai sans doute fusillé jeudi
matin. Je puis commencer à compter les heures qui me restent à
vivre.
Ah! mes chers! je vous supplie d'avoir du courage et d'être forts.
J'ai beaucoup de courage. Priez pour votre pauvre Georges; il vous a
toujours bien aimés."
À proportion que les jours avancent, l'étoile de l'espérance pâlit;
elle s'éteint au matin du 23 juin 1917: le recours en grâce de
Georges
KUGÉ est rejeté. Le lendemain, la mère et l'enfant se rencontrèrent
à la prison de Saint-Gilles. La mère, elle, apportait à son enfant
le symbole de son amour: des roses et des pensées où éperdument,
elle versa ses baisers pour que son fils qui allait mourir y puisât
un cordial. L'enfant, il reçut sa mère avec affection, tendresse et
pitié.
"Quel sacrifice pour vous, s'il doit m'arriver malheur; pour moi ce
n'est rien: j'ai fait mon devoir jusqu'au bout. Nous sommes tous des
condamnés à mort, chacun à son heure. J'ai communié ce matin à votre
intention, pour que, si je dois mourir, vous restiez forte."
Le condamné consolait sa maman! Et celle-ci l'âme ennoblie encore
par cet ultime sacrifice, fière aussi de son œuvre, répondit
doucement.
"J'ai fait de même, Georges, et j'ai demandé à Dieu de mettre fin à
nos souffrances."
Oui donc, autre qu'un Dieu pourrait apaiser des douleurs aussi
fortes?
"O mère admirable, disait-il, merci de m'avoir aidé à l'heure
suprême! Dites à mon père, à mon frère, à tous ceux que j'aime que,
là-haut, je veillerai sur vous. Ces roses, dernier témoignage de
votre affection, ne tarderont pas à se faner; mon souvenir vivra au
fond de vos cœurs. Pour vous et avec vous, j'offre à Dieu et à la
Vierge des douleurs le sacrifice de ma vie. Courage!"
Le fils tomba dans les bras de sa mère. Leur étreinte écrasa les
fleurs... des parfums soyeux baignèrent leur âme et l'inondèrent
d'extase...
Quand il quitta sa mère, l'enfant souriait...
Le 24 au soir, la veille de l'exécution, ils se revirent:
"Dans quelques heures, dit-il, je serai fusillé. Je l'ai mérité. Je
leur en ai fait assez, mais c'était pour ma patrie. Sois fière de
ton fils. Nous nous reverrons un jour dans une patrie meilleure où
rien ne pourra nous séparer. Je mourrai avec ta photographie, celle
de mon père, celle de mon frère, et ton nom, ô mère, sera le dernier
qui sortira de ma bouche."
Il remit à sa mère la bague qu'il avait reçue d'elle à l'âge de
dix-huit ans. Leur dernier adieu fut déchirant !...
La nuit, Georges se prépara à bien mourir. Il plaça sous enveloppe,
pour qu'on la remît à sa mère, une boucle de ses cheveux, accrocha
une rose à la boutonnière de son veston; et au matin, à l'heure où
les geôliers vinrent le chercher, pressant entre ses bras les fleurs
de sa maman, il sortit, la Brabançonne sur les lèvres...
Quatre heures du matin. Sous l'auvent du Tir National, le peloton
d'exécution présente les armes au supplicié qui s'avance... L'aurore
caresse doucement l'enfant et nimbe sa tête altière... Le héros
s'assied résolument sur la chaise, à quinze pas des fusils, refuse
énergiquement le bandeau qu'on lui offre, et à l'aumônier qui
l'assiste, il murmure: "Père, je suis prêt..."
Lecture du verdict est faite: Mourir!... L'enfant écrase sur sa
poitrine les fleurs qu'il n'a pas quittées, hume éperdument leur
parfum suave, et les offrant à l'aumônier: "Remettez ces fleurs à ma
mère, je vous prie."
Une flamme illumine ses prunelles; le mot "maman" flotte sur ses
lèvres...
Un ordre sec. Un crépitement. « Ils » en avaient fait un martyr...
Aux côtés de Georges KUGÉ, quatre autres Belges, "des hommes", sont
tombés héroïquement. Leur crime fut d'avoir servi le pays: Léon
BOITEUX, François VERGAUWEN, et les frères Jules et Lucien DESCAMPS.
Honorons ces martyrs: c'est dans le tombeau des morts que vibre
l'âme de la Patrie...
Documenten gekregen van Andre DE CLERCQ