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Roger MORSA
 

 







Source: "Le Vif L'Express", n° 19 du 8 mai 2015









Documents aimablement transmis par Dany COLOGNI


 

MORSA (Roger-François-Joseph), résistant, né à La Sarte à Ben (Ben-Ahin, province de Liège) le 15 juillet 1909, décédé à Sint-Andries près de Bruges le 11 juillet1950; fils de Gaston et de Marie FOURNEAU.

Après un bref stage à la Caisse d'Épargne où il avait postulé une place de commis d'exécution à l'essai, MORSA passa, le 18 novembre 1927, son examen d'entrée au cadastre de Bruges, où il fut admis le 1er janvier 1928, comme commis technique. Il allait faire toute sa carrière dans cette ville. En 1934, il est vérificateur. Le 23 décembre 1936, il passe son examen de géomètre-arpenteur; ce qui lui ouvre la possibilité d'un nouvel avancement; en septembre 1942, il parviendra au grade d'arpenteur-chef de groupe. Il convient, d'autre part, de tenir compte de sa carrière militaire. Milicien de la classe de 1929, il termine son service militaire comme sergent. Il sera nommé sous-lieutenant de réserve d'infanterie par arrêté royal du 26 mars 1933; lieutenant, par arrêté royal du 26 mars 1937. Il est mobilisé le 19 octobre 1939 et prend part à la campagne de mai 1940. Démobilisé, il songe à poursuivre la lutte. Dès le 1décembre 1940, il est admis dans le corps des agents de Renseignements et d'Action, 4e catégorie (grade d'adjudant). En mars 1942, il est recruté pour le réseau Zog, dépendant du réseau Zig Β, par un membre du service Luc, et placé sous les ordres du docteur Pierre GLORIEUX de Bruges. Le 1er octobre 1942, il passera à la 3e catégorie (grade de lieutenant); le 15 mars 1944, à la 2e catégorie (grade de capitaine). Le grade de capitaine de réserve de l'armée lui sera reconnu, en conséquence, en date du 29 septembre 1944, par arrêté royal du Régent du 2 avril 1948; il deviendra capitaine-commandant à la date du 26 décembre 1944.

C'est à partir d'août 1942 que l'agent MORSA, doué d'un courage et d'un sang-froid vraiment exceptionnels, commença à rendre aux Alliés d'importants services. On sait que l'Organisation Todt, installée depuis mars 1942 à l'abbaye bénédictine de Saint-André, près de Bruges, établissait les plans de la défense côtière du continent depuis Gravelines jusqu'à l'île de Walcheren. Dessinés dans les salles d'étude de l'école abbatiale, ces plans étaient soigneusement conservés dans un coffre-fort construit ad hoc dans un angle de la pièce. Encore devaient-ils être reproduits à un certain nombre d'exemplaires réduits. Comme le Fahndungsdienst allemand ne disposait pas des appareils photographiques nécessaires, il se vit obligé de réquisitionner ceux du service cadastral de Bruges. C'est ici que MORSA trouva le moyen d'intervenir. Lors des séances de photographie, sa présence avait été tolérée: MORSA avait un extraordinaire talent pour simuler les apparences d'un homme quelconque, craintif et peu intelligent. On ne lui demandait d'ailleurs aucune aide. Mais il eut tôt fait de "déranger" les appareils, de sorte que son concours dû être requis. Il commença par refuser, manifestant la crainte du subalterne qui fuit les responsabilités, pour n'obéir finalement que contraint en quelque sorte. Entre-temps, il avait adapté à l'appareil une sorte de sac destiné à recevoir les déchets de papier et les copies défectueuses. Des copies défectueuses, il y en eut plusieurs ; il y en eut aussi quelques bonnes, dont certaines allèrent rejoindre les déchets dans le sac. Les autres étaient scrupuleusement comptées en présence des Allemands.

Les copies volées étaient portées par MORSA chez son chef hiérarchique, le docteur Pierre GLORIEUX, qui était censé le soigner pour son estomac. Elles étaient photographiées là-bas aux dimensions d'une feuille de papier à cigarette. Un autre membre du réseau, Christian JOORIS, résidant à Wingene, se chargeait de faire parvenir les documents réduits en Angleterre. Il arrivait que l'État-major anglais fut en possession de ces plans avant le Grand-Quartier allemand. Ainsi parvinrent chez les Alliés les plans de tous les fortins de la côte, ceux des emplacements des batteries, des champs de mines vrais et simulés, des ponts minés et des passages libres, sans compter l'identité de toutes les unités en place et de passage. Le 3 août 1944, MORSA fut en mesure de communiquer le plan de retraite de la XVe armée allemande sur les bouches de l'Escaut et le Canal Albert. Tout cela n'allait pas sans péril ni alertes incessantes. En juillet 1943, les Allemands abattaient, dans le midi de la France, un courrier des services de renseignements et trouvaient sur lui des plans provenant du Fahndungsdienst de Bruges. Aussitôt la Gestapo et la Geheime Feldpolizei furent alertées. Tous les moyens furent mis en œuvre pour découvrir l'origine de ces fuites. MORSA fut arrêté et soumis à un interrogatoire serré. Il ne se départit ni de son sang-froid ni de son air peu intelligent. On lui fit faire une dictée allemande, où il eut soin de commettre les fautes les plus opportunes; par exemple, dans le mot "Gefreiter", qui revenait sur chaque plan et qu'il se trouva incapable d'écrire correctement. Les Allemands en vinrent assez vite à la conclusion que l'employé belge n'était pour rien dans cette affaire. Le bruit a couru, à ce moment, que le colonel commandant le Fahndungsdienst de Saint-André avait été dégradé et ses subalternes envoyés sur le front russe. Comme il fallait une victime, un technicien allemand fut condamné à mort et exécuté. Un général allemand aurait reconnu que "la découverte de cette affaire était une des plus terribles déceptions du haut commandement allemand, lequel ne s'était pas attendu à être trahi par ses propres services".

On a dit et écrit que MORSA avait acheté la complicité d'un technicien allemand, mais ceci est totalement inexact: MORSA était trop avisé pour s'exposer de la sorte.

En reconnaissance de ses services exceptionnels, MORSA fut créé, après la guerre, Member of the Order of the British Empire; il reçut la Medal of Freedom (U.S.A.) et, bien entendu, de nombreuses distinctions belges.

Roger MORSA avait épousé, le 22 août 1931, Maria-Martha COEMELK, de Zonnebeke, dont il eut cinq enfants.

Source: Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, Nicolas HUGHEBAERT in "Biographie Nationale", Tome trente-huitième, supplément tome X (fascicule Ier), ABRASSAR – LANGHE, Colonnes 618-622, Établissements Émile BRUYLANT, Bruxelles, 1973